L’essayer n’est pas synonyme de l’adopter. La transformation culturelle d’une entreprise vers une culture Agile n’est pas à la portée de toute organisation. En fonction de votre secteur d’activité, de vos clients ou de vos concurrents, l’agilité peut s’avérer nécessaire pour se démarquer, mais elle peut également se révéler inadaptée.
En effet, adopter une méthodologie Agile pour une entreprise, n’est pas seulement l’apprentissage de nouvelles pratiques de travail. C’est avant tout un changement culturel, et une transformation organisationnelle, profonde, contrintuitive et parfois même douloureuse qui doivent être réalisés.
Découvrez dans cet article comment adopter une culture Agile progressivement, et ce qui peut motiver une organisation à une telle transformation culturelle.
Passer d’une culture organisationnelle existante à une culture Agile
Si toute la difficulté ne s’exprime pas suffisamment dans le titre ci-dessus, comprenez qu’un changement d’organisation aussi profond ne peut se faire du jour au lendemain.
Changer de culture d’entreprise demande du temps et des efforts, pour la compréhension et pour se déshabituer de ce qui a toujours été connu et appliqué ai sein d’une organisation. Mais en 2022, adopter une méthodologie Agile ne constitue plus un grand saut dans le brouillard comme au début des années 2000. De nombreuses entreprises témoignent des bienfaits qu’a eu l’adoption d’une méthode agile, qu’il s’agisse du côté client ou du côté du fournisseur.
L’époque où l’on ne pouvait se référer qu’à la méthode SCRUM est révolue, puisque l’on dénombre maintenant près d’une trentaine !
A) Convaincre la direction
La volonté de transformer la culture d’une organisation vers plus d’agilité n’est pas nécessairement ordonnée du plus haut niveau de hiérarchie vers les premiers niveaux.
En effet, la demande de transformation organisationnelle peut être remontée par plusieurs interlocuteurs au sein d’une même entreprise, mais aussi, par plusieurs facteurs externes à la société, et convaincre à terme la direction de changer de vision et de culture organisationnelle.
1- L’agilité motivée par des facteurs internes
Qu’ils s’agisse des ressources tech, des chefs de projet, des business analyst ou encore des commerciaux, la volonté de passer d’une organisation vers une méthode Agile peut naitre de chacun de ces côtés, les uns à la suite des autres ou bien au même moment.
Exemples :
- les équipes projets et les équipes de développeurs voient leur réactivité amoindrie par la lourdeur des process,
- les différents niveaux de hiérarchie à consulter pour valider des travaux ralentissent les ressources mobilisées pour un chantier, un travail ou une mission,
- la répétition des échecs précédents dû à l’organisation du travail en place révèle une faille sur une procédure à suivre,
- les commerciaux voient leurs arguments de vente « balayés » par leurs clients et propects compte tenu de leur manque d’agilité, et d’un Time-to-market trop long…
Si ces quelques signaux ne suffisaient pas, les warnings identifiés par le marché pourraient quant à eux, se révéler plus impactant.
2- L’agilité motivée par des facteurs externes
Il ne suffit parfois pas de grand-chose pour prendre le virage de l’agilité, si l’on écoute ses clients et leurs besoins, ses prospects et son marché.
Exemples :
- vos clients devenus Agiles, cherchent des fournisseurs Agiles qui correspondent au mieux à leurs nouvelles méthodes de travail,
- vos concurrents devenus agiles sont plus compétitifs, plus réactifs, et plus proches de leurs clients que vous,
- le Time to Market sans agilité est plus lent que celui proposé par vos concurrents,
- le client ne veut pas réduire sa marge de manœuvre tout au long du développement de son projet…
Il y a toujours des éléments qui peuvent faire pencher la balance du bon ou du mauvais côté, et des effets de modes qui passent aussi vites qu’ils ne sont arrivés.
Ce sont généralement ces types de réalités qui parlent le plus à tout dirigeants d’entreprise, les clients et le marché. La cohérence entre la proposition de service et les attentes du marché devant être en phase, vos arguments prendront de la consistance et suffisamment de résonnance pour être considérés et reconsidérés si nécessaire.
Une fois convaincue par les bénéfices d’une méthode agile pour son organisation, la direction devra alors mettre en place une stratégie d’adoption et de déploiement vers ses équipes, et devra sans mauvais jeu de mot, faire preuve d’agilité.
Elle devra également préparer une méthode complète d’accompagnement, qui soit idéalement participative, pour que chaque collaborateur soit convaincu puis formé, et pour qu’ils adoptent progressivement une nouvelle culture du travail, une nouvelle organisation, et de nouveaux mécanismes.
B) Convaincre les managers
Après la direction, le second point de résistance sera pour les managers, qui pourront voir dans un premier temps l’agilité comme une perte de pouvoir, tant dans la prise de décision, qu’en termes de responsabilité ou tant que pilote de navire.
Ces freins sont des réactions normales dès lors qu’elles sont perçues comme des obstacles pour mener à bien leurs travaux, et est souvent prise comme une disqualification ou une rétrogradation.
Heureusement, une méthode Agile représente une occasion pour les managers à changer de posture. En permettant aux salariés de travailler de manière plus flexible et en leur permettant de décider eux-mêmes, le cercle vertueux s’installera progressivement entre confort quotidien et objectifs à courts termes, entre la confiance du manager et un but commun que les équipes embarquées comprendront d’elles-mêmes, si elles en sont convaincues, une condition dépendante par le fait que l’exemple soit donné par leur hiérarchie.
C’est en voyant les bénéfices à courts termes que les managers pourront quitter progressivement un état d’esprit reposant sur le contrôle, en apportant à la place plus de valeur aux collaborateurs.
En les accompagnants et en les formant de manière permanente, en cassant les barrières entre les services, en y intégrant un programme de développement personnel ou, plus simplement, en étant plus à l’écoute, le processus de changement sera favorable à une adoption de chaque collaborateur, des managers y compris.
Les managers ont un rôle clé dans cette transformation organisationnelle puisqu’ils seront le relai entre les dirigeants et les employés. Ce sont eux qui sont en contact direct avec d’un côté la pratique, et de l’autre la théorie. Chargés de la mission qui est de soutenir et de s’engager dans cette transformation agile, les managers doivent donc incarner le changement voulu par la direction, et démontrer les valeurs de l’agilité pour commencer le processus de transformation agile, mais devront également le conserver pour le maintenir.
Le changement ne doit toutefois pas venir uniquement du management, puisque les équipes Agiles intègrent toutes les ressources d’une organisation.
Il faudra donc veiller à ne pas les brusquer, et installer une transformation à moyen termes, plutôt que quelque chose de radical qui serait mal perçu par sa soudaineté et par la taille du chantier. En s’adaptant à la maturité des équipes, l’agilité portera ses premiers fruits, si elle vécue d’une manière douce et progressive plutôt que d’une manière stricte et brutale.
C) Convaincre les employés
Afin d’éviter une levée de boucliers en interne, il faudra que les managers fassent preuve d’une grande pédagogie, d’une grande patience et gagner peu à peu l’adhésion de chaque collaborateur, des managers et de la direction.
La transformation culturelle, dite en ces termes, peut être perçue comme étant violente. Qu’il s’agisse de changement d’outils, de changement de méthodes, des nouveaux logiciels, d’une nouvelle organisation, chaque individu est plus ou moins tolérant au changement, et l’accepte avec un délai variable également. Néanmoins, ce qui ne change pas, c’est l’être humain, et son adaptation.
Le changement culturel peut donc être abordé sous cet angle, en évoquant les valeurs fondamentales de l’Agilité, on peut lui faire comprendre quelle est l’utilité réelle d’adopter cette méthode agile. Avant d’avoir une adhésion collective, il faudra de toute manière remporter une adhésion majoritaire, gagnée elle-même par l’addition d’adhésions individuelles.
Par cette adhésion, on comprend donc que la levée des barrières entraine un changement de comportement vis-à-vis de l’Agilité. Cette acceptation de l’idée de mettre en place la méthode Agile, et la compréhension personnelle de son utilité et de son usage au quotidien entrainera donc la volonté de l’employé de se faire accompagner dans un changement de culture.
En l’absence de travail sur la culture en elle-même et sur les comportements, les équipes auront tendance à revenir progressivement à un modèle de développement classique, celle que les employés ont toujours connu. Cette tendance peu s’inverser grâce à la présence d’ambassadeurs* agiles et de coachs* pour accompagner les managers puis les équipes dans leur transformation culturelle.
Un coach Agile c’est une personne venue de l’extérieure qui va accompagner les managers dans leur transformation culturelle afin qu’ils puissent en devenir eux-mêmes imprégnés, et garant de la bonne transmission des valeurs et des pratiques Agiles.
Un ambassadeur Agile, c’est une personne en interne dont l’adhésion à la méthode est totale, qui pourra transmettre plus facilement les codes de l’agilité à ses collègues avec un jargon plus proche du leur, une légitimité interne, et une proximité éventuelle avec les autres.
D) Convaincre les équipes de développeurs
C’est peut-être la partie de la société qui sera la moins réfractaire au changement d’organisation. Fondamentalement, ce qui va changer pour les développeurs, peut être la répartition des tâches entre « codage », « test » et « intégration ».
En fonction de la taille de l’équipe, de la méthode Agile définie, du niveau d’ancienneté de chaque développeur et des spécialisations de chacun, il faudra probablement rebattre un peu les cartes pour adapter la méthodologie aux ressources plutôt que les ressources à la méthodologie.
Il est, finalement, assez courant que le Scrum Master soit lui-même le Tech Lead de cette équipe. Bien qu’il n’y a théoriquement pas de leader désigné dans l’équipe, il est fort probable qu’il y ai un leader naturel dans l’équipe. Les difficultés qui peuvent ressurgir de cette horizontalité des tâches et des responsabilités pourrait froisser le plus expérimenter, et mettre la pression à la toute dernière recrue au profil junior.
Alors, comment les faire travailler ensemble, de la même manière, sur les mêmes sujets, avec le même niveau de responsabilité ?
Voici un premier décalage entre la théorie et la pratique, qui nécessite de petits réajustements.
Pour que personne ne perde en responsabilité, en compétences, en temps passé à la production, il est tout de même possible d’affecter un développeur à ce qu’il sait faire le mieux, et/ou à la mission à laquelle il se sent le plus à l’aise.
Moyennant quoi, deux développeurs pourront prendre à leur charge la partie « test », quand deux autres seront full « intégration » et enfin deux autres full « code ».
Autrement, avec un niveau de compétences égale, tout le monde pourra varier ses tâches entre code, test et intégration, et pourra monter en compétence sur des actions qu’il n’a pas l’habitude de faire.
A chaque équipe sa particularité, à chaque équipe ses propres ajustements, et à chaque projet son agilité. Alors, à proprement dit, l’agilité c’est comme « trouver sa méthode dans la méthode Agile ».
Il est complexe d’appliquer à la lettre une méthode Agile, à 100% de sa définition.
E) Maintenir les acquis, en impliquant chaque membre Agile de façon durable
Une fois tout le monde embarqué et majoritairement convaincu des bienfaits d’instauré une méthode Agile, il faudra garder le cap, et cela constitue la seconde partie de la difficulté liée à la transformation organisationnelle et culturelle de l’entreprise.
Vous connaissez probablement l’adage « Chassez le naturel, et il revient au galop ».
Le naturel, c’est ce que l’employé à toujours connu comme fonctionnement. Il n’est d’ailleurs pas le même pour tous, puisque chacun à son parcours, son expérience professionnelle, ses convictions propres, et sa capacité d’adaptation.
Si aller de l’avant vers le peu connu est long, revenir en arrière vers ce que l’on connait peut-être très rapide. Il s’agira donc de maintenir tout le monde aux mêmes conditions, si ce n’est que les managers et les plus hauts niveaux de décisions servent de valeur d’exemple, et ne puissent eux-mêmes pas s’inscrire dans une démarche de retour en arrière, auquel cas tous les efforts mis en place seront balayés d’un revers de la main en un temps à faire pâlir Usain Bolt.
Conclusion
Bien entendu, adopter une méthode Agile n’est pas adaptée à tous les secteurs d’activité, à toutes les organisations, et parfois même, à tous les styles de management. Adopté une méthodologie reste un choix qui doit être adapté à son activité.
Par exemple, dans le BTP ou l’on travaille dans une méthodologie classique dit « cycle en V », vous aurez :
- Votre budget (maximum)
- Les plans de votre bâtiment
- Le calendrier
- La livraison
Quand vous aurez construit étages de votre building, il sera trop tard pour y ajouter deux niveaux supplémentaires de parking souterrain.
Alors que pour la livraison d’un logiciel ou d’un site web par exemple, et avec une méthode Agile, vous pourrez au cours du développement de ce dernier, y ajouter des fonctionnalités que vous n’aurez pas pensé y mettre lors de votre maquettage.
Le tout pourra même être inclus dans votre budget d’origine, moyennant ou non le remplacement de certaines fonctionnalités, ou en allongeant votre budget et/ou le délai de livraison du produit fini.